
Anthologie du Haïku
Court poème japonais traditionnellement composé de dix-sept sons répartis en trois séquences rythmiques, le haiku puise souvent – mais pas toujours – son inspiration dans la célébration de la nature et des saisons. Si ses origines remontent à l'âge classique, il ne s'est constitué comme genre littéraire à part entière qu'au tournant du XXe siècle, autour de la figure de Masaoka Shiki.
Les anthologies disponibles en France en proposent quasi systématiquement une approche fragmentaire, qui fait fi des auteurs (les haijin) comme des contextes de publication. Elles transmettent ainsi l'idée que les haiku forment autant de petits mondes clos, qu'on peut lire et goûter indépendamment les uns des autres. Rien ne saurait être plus contraire pourtant à la façon dont ils sont perçus au Japon. Obéissant à une discipline d'écriture quotidienne, ils y relèvent bien davantage du journal au long cours, sans cesse retravaillé au fil de recueils soigneusement composés : les poèmes se répondent, se suivent, s'opposent. Ils ne peuvent se comprendre qu'en bloc.
En retraçant dans le plus grand détail la vie de chaque haijin, en donnant à lire, la plupart du temps pour la première fois en français, une multitude de textes inconnus (haiku bien sûr, mais aussi commentaires en prose indispensables à leur compréhension), Pascal Hervieu nous offre l'occasion de saisir la pleine singularité de cette littérature, enfin incarnée. Car elle est d'abord l'œuvre de femmes et d'hommes de chair et d'os, à la rencontre desquels ce livre nous porte, dans un geste lui-même de pure poésie. En arrière-plan, c'est l'histoire du Japon au XXe siècle que l'on devine, marquée par les tragédies, mais aussi par une modernisation spectaculaire : de cela aussi, le haiku a su rendre compte.