
La théorie de la démarche de Balzac
En 1833, le jeune Honoré de Balzac publie dans la revue
L'Europe littéraire
la
Théorie de la démarche
. Conçue d'abord comme un chapitre du
Traité de la vie élégante
(1830), cette théorie " à la fois railleuse et scientifique " aborde de façon insolite le problème de l'étude savante de la marche, alors en plein essor. L'écrivain parle ici en observateur de la nature humaine et met au défi les savants et médecins qui se sont risqués sur le terrain de la physiologie de la locomotion. L'essai qui se distingue par l'ambition de saisir l'homme entier dans son existence corporelle, psychique et sociale fournit le fragment le plus saisissant d'une " anthropologie complète " du monde moderne. En déployant une multitude de procédés stylistiques, il fait alterner réflexions épistémologiques sur l'art de l'observation, enquêtes sur les promeneurs parisiens, axiomes d'un " code de la démarche ", remarques critiques sur la société française et la civilisation occidentale en général, et méditations métaphysiques sur la volonté. Balzac passe au crible les connaissances relatives à la marche situées selon lui " entre la toise du savant et le vertige du fou ", examinant un acte trivial et quotidien qui s'avère être un abîme sans fond.
Destinée par son auteur aux
Études analytiques
, dernière partie de
La Comédie humaine
, mais jamais republiée de son vivant, la
Théorie de la démarche
constitue une œuvre clé pour la compréhension de sa pensée philosophique et sociologique. Par sa forme excentrique, l'analyse balzacienne de la démarche en tant qu'objet récalcitrant dessine les contours d'une " science des riens " interrogeant les problèmes fondamentaux de l'anthropologie.