Le Journal
Pendant tout son règne, Napoléon reçut un nombre incalculable de fois dans son cabinet de travail Pierre-Louis Roederer, complice du coup d'État de Brumaire, conseiller d'État puis sénateur de l'Empire. Or, ce personnage avait pris l'habitude de noter scrupuleusement, souvent le soir même, la teneur de ces rencontres, souvent très libres, que ce soit sur des sujets politiques ou personnels. Publiées dans les années 1850 en huit gros volumes devenus introuvables, ces notes sont le miel des historiens. Sur la base d'un travail réalisé au début du XXe siècle par l'éditeur Maurice Vitrac, Thierry Lentz en publie une sélection, qu'il introduit et commente. On y retrouvera à la fois le meilleur des entretiens entre Napoléon et son conseiller, un témoignage " de l'intérieur " incomparable, des anecdotes de la vie du pouvoir consulaire et impérial, enfin des jugements et portraits de principaux contemporains. Au fil du texte, on repérera aussi quelques-unes des grandes citations si souvent reprises, telles " le pouvoir est triste comme la grandeur ", " je ne me laisserai pas insulter comme un roi ", " une Constitution doit être courte et obscure ", " je n'ai qu'une passion, qu'une maîtresse ; c'est la France : je couche avec elle ", " [Joseph est l'aîné] pour la vigne de notre père, sans doute ", sans oublier la fameuse tirade : " C'est en me faisant catholique que j'ai fini la guerre de la Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j'ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais un peuple de juifs, je rétablirais le temple de Salomon ", prononcée au Conseil d'État, le 16 août 1800. Et puisque l'on a cité le frère aîné de Napoléon, l'amitié qui l'unissait à Roederer explique son omniprésence dans ce volume, qu'il s'agisse des affaires du Consulat, de celles de Naples et d'Espagne (dont Joseph occupa les trônes) ou de sa chute.
Un témoignage capital indispensable à tous ceux que passionnent l'étude et la connaissance du Consulat et de l'Empire.