L'Opium des songes
A vingt-et-un ans, Joe Bousquet (1897-1950) est contraint par une blessure de guerre à garder le lit de sa chambre de Carcassonne. Lorsqu’il écrit, en 1938, la première de ces trente-et-une lettres, il est déjà la figure de proue des Cahiers du Sud. Il faudra cependant attendre la publication de Traduit du silence en 1941 pour que sa carrière atteigne un sommet.
Née à Carcassonne, Ginette Lauer (1938-2001) est élevée dans un couvent où elle développe un penchant mystique. Elle deviendra une figure agissante de la vie littéraire et artistique de la ville où elle reprend la librairie de la Cité et y crée une galerie d’art.
Désentravée de toute dimension sensuelle, cette correspondance livre, comme elles n’ont jamais été données à lire, les vues et convictions de Bousquet sur la pratique littéraire à l’heure de l’entre-deux-guerres. Ivre d’existence tout en étant prisonnier de sa mutilation, il éclaire les fondements de son écriture, ses propres démêlés familiaux et l’atmosphère recuite de la petite ville de province. Il précise une mélancolie qui l’a toujours empêché de se sentir comme étant tout à fait au monde, miné par la certitude intime de ne pouvoir parvenir à quelque chose d’immuable. Telles les Lettres à un jeune poète de Rilke, ces pages forment un guide spirituel : ressentir la vie en soi, à rebours de l’échec perpétuel à se “constituer soi-même”. Face aux grands défis du monde, autant intérieur qu’extérieur, l’âme humaine brille en profondeur.