Jeu cruel
Le tournage de La Vie de famille, de Jacques Doillon, s'est déroulé durant l'été 1984. J'y tenais l'un des deux rôles principaux. J'avais dix ans. Même s'il n'y a pas de crime, je me demande qui l'a commis. Même si je ne me considère pas comme une victime, je pense avoir été victime de quelque chose.
Tout ce qui concerne ce film, co-écrit par mon père, est net dans mes souvenirs. Ces derniers, je veux les raconter, sans anachronisme ni révisionnisme. De mon point de vue. Celui d'une petite fille qui s'est débattue dans une entreprise qu'elle ne comprenait pas, ourdie par des adultes assurés de gagner à chaque coup ; celui d'une femme qui, quarante ans plus tard, cherche à savoir ce qui s'est tramé dans cette aventure à la fois fondatrice et cruelle.
Avec Jeu cruel, je souhaite interroger la fascination pour l'enfance revendiquée par certains artistes. La manière dont elle abîme ces enfants que l'on fait jouer tout en se jouant d'eux. J'en ai fait l'amère et inoubliable expérience.