Babled - La main des autres
Emmanuel Babled et le design comme célébration de la tradition
La Main des Autres est un titre on ne peut plus pertinent, tant il résume parfaitement l’œuvre et la personnalité d’Emmanuel Babled. Le designer français, dont le studio se trouve aujourd’hui à Lisbonne après avoir été successivement à Paris, Milan et Amsterdam, a d’abord fait des études de design industriel, mais s’est très tôt rendu compte, en découvrant la démarche du grand Ettore Sottsass, que sa vocation n’était pas la production de masse d’objets en plastique, mais plutôt la création d’objets fonctionnels rares et précieux, en collaboration étroite avec des maîtres artisans exerçant leur métier dans des territoires bien identifiés, où traditions ancestrales et virtuosité technique continuent de faire des miracles en échappant à la loi d’airain de la standardisation.
Les créations de Babled s’appuient à la fois sur son propre talent de designer et sa capacité rare à travailler avec les maîtres artisans du monde entier, dépositaires de ce savoir collectif qui constitue un patrimoine immatériel de l’humanité. La convergence entre originalité conceptuelle et recours à une technologie de pointe, entre tradition locale et innovation révolutionnaire, atteint son sommet dans ses “éditions limitées”, qui redonnent une vie nouvelle à des savoir-faire anciens et à des matériaux précieux tels que le marbre.
Ce livre nous fait par ailleurs pénétrer, en même temps que dans l’esprit du designer aux trente années de carrière fulgurante, dans les coulisses de ces lieux, inaccessibles au public, où des secrets de fabrication séculaires se transmettent de génération en génération. La Main des Autres saisit dans toute sa quintessence l’itinéraire de Babled, qui a su mettre sa signature personnelle au service d’une industrie et d’une culture au profond enracinement territorial, qu’il fait entrer dans le XXIe siècle grâce à son impressionnante maîtrise du design contemporain dans toute sa diversité disciplinaire et technologique. Il transcende, ce faisant, son propre égo pour défendre l’idée selon laquelle le designer n’est pas un être solitaire mais une entreprise collective, ainsi que l’illustre cette monographie exceptionnelle.